Giotto
Je suis de plus en plus
intérieurement obsédé par le concept absolu de Charité. Comme l’avait écrit
saint Paul, c’est la vertu théologale eschatologique par excellence, la Foi et
l’Espérance n’étant « que » des vertus propitiatoires et
pré-apocalyptiques, dont plus personne n’aura besoin face à la Parousie
agissante. Or, en notre temps directement opératif de guerre conflagrationnelle
totale, c’est la Charité mise en œuvre par l’Esprit qui ensoleille notre route
et qui arme nos volontés unificatrices.
Deux textes récents
montrent, chacun à sa manière, l’impérieuse nécessité de transmuer la fausse
charité moderne, toujours déployée au bénéfice du mensonge, de la paresse et de
la rentabilité, en une authentique et intraitable charité évangélique.
Le dernier ouvrage de Bruno Deniel-Laurent est un plaidoyer pour l’Idiotie,
c’est-à-dire l’irréductibilité radicale, la solitude intransigeante, la singularité
absolue. Comme je l’écrivais naguère, un Idiot est quelqu’un qui se prend pour ce
qu’il est, et seuls les médiocres le confondent avec l’imbécile qui se prend
toujours pour plus futé qu’il n’est. Prétendre qu’on est intelligent, c’est la
définition même de la connerie.
Chaque
village avait jadis son Idiot vivant dans l’ivresse permanente ;
aujourd’hui les villes sont pleines d’imbéciles alcooliques.
L’Idiot
est une majuscule solitaire, face à la masse grégaire des minuscules imbéciles.
BDL
fait cette merveilleuse déclaration dans son interview vidéo pour Max-Milo :
« A la face des imbéciles, il faut rappeler que l’Idiot participe pleinement
à la polyphonie du monde ».
On
a effectivement beaucoup plus de chances de rencontrer un trisomique lors d’une
cérémonie anniversaire de la confrérie Parousia à l’hostellerie dominicaine de
la Sainte Baume, que dans un cercle sédévacantiste, un meeting complotiste ou
une réunion de travail sur la spéculation financière.
BDL s’élève dans son
livre contre une fausse charité bien spécifique : celle qui consiste à
pratiquer l’avortement pour le bien des mongoliens, puisqu’ils ne sauraient
vivre que dans la souffrance et les ennuis de tous ordres. Je cite « Pour
une théorie du monde multipolaire » de Douguine : depuis que
l’Occident est entré dans les temps modernes, « il agit sous la bannière
des Lumières, du Progrès, de la Science,
de la Laïcité et de l’Intellect, et lutte contre les préjugés du passé, au nom d’un avenir meilleur et de la liberté humaine ». C’est vrai dans
tous les domaines, de la géopolitique à la spiritualité, des mœurs à la
technoscience : l’Occident nous occupe tout en prétendant nous libérer. Sa
dynamique d’expansion réside tout entière dans la fausse charité, aussi bien
lorsqu’il s’agit de « libérer » la France en 1945 dans le but caché de
l’asservir ou de généraliser la pratique de l’avortement des mongoliens pour leur
éviter une prétendue vie mortifère. Cette « politique d’éradication
charitable » est le socle de la modernité occidentale, intimement liée à
la rationalisation des rapports humains et la propagande athéistique. Le livre
de BDL nous démontre que même l’amour de parents pour leur enfant, fût-il
trisomique, peut être massivement anéanti au nom d’impératifs économiques. 96 %
de bébés mongoliens tués dans l’œuf, 20 % d’enfants de familles homoparentales
victimes de pédophilie (contre 2 % pour des enfants de parents normaux), décès
quotidien de deux petits en France sous les coups de leur famille,… Les
statistiques modernes n’aiment pas les enfants.
Les
agnostiques n’ont aucune limite, ce qui est tout à fait normal. Si le Marquis
de Sade est le seul athée que je respecte, c’est bien parce qu’il est
totalement conséquent avec lui-même, l’inexistence de Dieu abolissant de facto
toutes les bornes éthiques. Pour moi, c’est très clair : tout athée qui n’a
pas mutilé au moins un bébé dans un but de satisfaction sexuelle ou esthétique
est un lâche, un menteur et une ordure. Il n’est donc aucunement question de se
plaindre auprès du neurobiologiste darwinien Jean-Didier Vincent, en lui
demandant de restreindre le taux d’IVG pour les petits trisomiques : il
refusera, et il aura entièrement raison. Il s’agit tout simplement d’abolir la
République et de réinstaurer un Roi très-catholique ; Jean-Didier Vincent
sera alors immédiatement sommé d’obéir à la loi du Christ, et il aura tout
intérêt de le faire, et tout rentrera dans l’ordre (ou plutôt, le désordre
juste).
Ce
livre de BDL est un véritable appel chrétien au sens des limites, contre
l’illimité agnostique. Cela peut sembler comme couler de source, mais c’est un
combat diamétralement opposé à celui de Dominique Venner et de toute la
Nouvelle Droite en général. Dans son livre « Un samouraï
d’Occident », Venner veut démontrer que l’Occident est plongé dans
« la métaphysique de l’illimité » depuis la (prétendue) victoire de
Jérusalem sur Athènes. Selon lui, la « logique interne d’expansion
irrésistible » de notre monde moderne est directement liée à l’extension
du christianisme, dont l’athéisme des Droits de l’Homme n’est qu’un avatar
profane. C’est la fameuse théorie historique qui veut que l’humanisme soit une
sécularisation du christianisme. De toutes manières, c’est très simple :
tout est de la faute du Vatican… Ce ne sont pas les skinheads, les gauchistes,
les complotistes, les « dissidents », les matérialistes, les
sionistes, les éditeurs « provocateurs », les sédévacantistes, les
féministes, les libéraux, les néo-droitistes, les antifas, les humoristes, les
cathares, les pédés, les journalistes ou les psychanalystes qui me diront le
contraire.
Rembrandt
Chesterton
écrivait peu ou prou : « Quand on ne croit plus en Dieu, ce n'est pas pour ne croire en rien, c'est
pour croire en n'importe quoi ».
Par exemple au Progrès ou à la Démocratie. Ou alors que les maux de notre
civilisation viennent de ce que l’on ne vénère plus Belenos ou Odin depuis deux
mille ans. Au passage, notons que c’est le paganisme romain qui a interdit
toute pratique du paganisme celte en Gaule, bien avant les premiers pas de
Marie-Madeleine dans la calanque de Marseilleveyre… Alors, quand on me parle de
la tolérance des païens sur le plan religieux, j’ai un peu de mal à comprendre…
Il n’y a pas eu de « lente évolution ayant conduit du christianisme à
l’athéisme des Lumières » (comme l’écrit Venner), mais une lente prise de
pouvoir de la bourgeoisie entrepreneuriale protestante ayant pesé de tout son
poids sur les nouvelles techniques comme l’imprimerie pour faire valoir ses
idées libérales. Le protestantisme c’est du lettrisme, c’est-à-dire la
chosification de la lettre, ce qui est la définition même de l’imprimerie. Contrairement
au protestantisme, le cœur du catholicisme n’est pas la Bible, mais
Jésus-Christ. Dire que la technique « prométhéenne » toute-puissante
prend ses racines dans la conscience catholique, c’est aussi bête que d’accuser
Saint Paul d’être la cause première de la misogynie ou de l’antisémitisme. Les
hommes ont la religion qu’ils méritent, et si le christianisme s’est répandu
comme un feu de paille il y a deux mille ans, c’est peut-être bien aussi parce
que les hommes ne méritaient plus d’être
païens. Et je suis persuadé que Venner le savait au fond de lui, son
dernier geste le prouve à coup sûr…
Bruno
Deniel-Laurent a donc tout à fait raison de vouloir démontrer que la mesure et
l’équilibre, valeurs intrinsèquement spirituelles et chrétiennes (mais aussi
bouddhistes, musulmanes ou celtiques), sont les seules aptes à pouvoir se
dresser contre « l’idéologie occidentale du progrès », cette démesure
boursouflée comme un gâteau pourri. Un gâteau partagé par les transhumanistes,
ces futuristes de l’infantilisme, et les économes avorteurs de mongoliens. Un
gâteau moisi qui ne sort certainement pas des cuisines de L’Hôpital et ses Fantômes, hardiment gardées par Vita Jensen et
Morten Leffers, plongeurs trisomiques et amis de l’Idiot Lars von Trier.
L’ouvrage
de BDL n’est pas un manifeste social, mais un placide épiphénomène des
convulsions naissantes. D’autres œuvres de tous ordres s’ensuivront, et la
Puissance des Ténèbres reculera comme d’elle-même.
Ce qu’il faut bien
comprendre, c’est que tout progressisme est un nazisme. La loi du plus fort est
l’antienne des Lumières et du monde moderne, ce qui n’est paradoxal que pour
les imbéciles. Je l’ai déjà écrit : seule une société rigoureusement
organisée en castes strictement hiérarchisées permet de protéger les pauvres,
les faibles et les petits travailleurs. Malgré ses évidentes qualités
esthétiques, méta-politiques et archéo-dionysiaques, il faut quand même
reconnaître que le Troisième Reich hitlérien avait quelques défauts, parmi
lesquels on peut citer l’anti-slavisme rabique (dont l’antisémitisme était une
composante initiale), l’hostilité farouche envers l’Eglise catholique et la
glorification intransigeante de la Technique toute-puissante. Mon avis est que
ces erreurs sont intimement liées entre elles, et qu’elles s’ancrent dans une
lecture tout à fait erronée de l’Antiquité romaine. J’y reviendrai
prochainement. L’eugénisme de masse d’Aktion T4 et la persécution d’évêques bavarois
s’inscrivent dans la logique du luthérianisme nürnberger contre celle du
catholicisme métaphysique, c’est-à-dire dans la victoire cosmogonique de Dürer (lire
la Genèse avec les yeux d’Aristote) sur Giorgione (lire Platon avec les yeux de
Saint Jean).
D’ailleurs, notons que
ces erreurs fondamentales (anti-russisme, anti-catholicisme et
méta-technicisme) se sont toutes trois transfusées, d’une manière ou d’une
autre, dans la mentalité occidentale d’après 1945, et sont des
« valeurs » aujourd’hui partagées par les tenants de l’idéologie
occidentale du Progrès, c’est-à-dire presque tout le monde.
Marc-Edouard Nabe
l’avait écrit dans son tract « Et Littell niqua Angot ». « Quand on voit les connards de trente ans de notre époque,
on n’a aucune peine à imaginer qu’à la fin des années vingt en Allemagne
d’autres trentenaires aient pu trouver dans le nazisme une nouvelle façon de
penser et d’agir... […] Je connais beaucoup d’antinazis d’aujourd’hui
qui auraient fait d’excellents SS d’hier… […] Le
système totalitaire du Troisième Millénaire sait très bien comment était
fabriqué celui du Troisième Reich, car le premier est entièrement calqué sur le
second : dans sa structure, sa logistique, ses mécanismes, ses dispositifs de
manipulation des masses... Le public n’a plus qu’à obéir à ce nazisme « soft »
qu’est le spectacle médiatique à outrance, construit de façon peut-être encore
plus perverse que celui du Führer. »

J’en viens
naturellement au second texte charitable
dont il me faut traiter ici. Il s’agit de « L’Eunuque Raide » deNabe, publié dans L’Infini n°126 (Printemps 2014).
Rappelons qu’un texte
avait été précédemment publié dans cette même revue durant l’été 2000 sous le
titre « Mon meilleur ami », évoquant les traits vaniteux et fourbes
de Stéphane Zagdanski. Ce dernier est un ennemi notoire de Nabe, un
anti-catholique de plus, auteur d’une série de vidéos obscurément
logorrhéiques, où il se plait notamment à évoquer longuement « les
falsifications pauliniennes », et à clamer par exemple : « Les
juifs sont nettement moins benêts que les catholiques sur la question du Mal,
c’est quand même eux qui ont inventé Satan ».
Jordaens
Lorsqu’un écrivain
s’attaque à un homme de pouvoir, cela s’appelle du courage. Quand il s’attaque
à un anonyme, cela s’appelle de la charité. Bloy portraiturant des journalistes
insignifiants ou Jésus renversant les tables pour chasser les marchands du Temple,
c’est pareil : il s’agit à chaque fois de s’en prendre à la Puissance des
Ténèbres qui, contrairement à ce que « pensent » les
« dissidents », n’a jamais de nom spécifique, et qui s’exprime – ou
plutôt, se désincarne – à travers de pauvres êtres falots dénués de tout
patronyme. Certains disent que cela ne sert à rien de s’en prendre à de tels
vermisseaux, mais ils ont tort : c’est une manière très chrétienne de
tenter de les extraire de la perdition, en prenant la peine de les honorer par
une bastonnade publique (eux qui sont loin d’en mériter autant). Zagdanski,
lui, n’est pas anonyme, mais Nabe ne le nomme pas : c’est peut-être encore plus
charitable de sa part.
Zagdanski met en scène
un faux dialogue sur Simone Weil entre Nabe et lui-même, dans un chapitre de son
pensum « De l’antisémitisme » (1995). Commentant le tableau de
Jordaens, il prétend à un moment expliquer le geste de Jésus chassant les
marchands, par le fait que ces derniers vendent « des animaux, autant dire
du non-temps, donc du non-argent. Autrement dit les marchands vendent l’invendable.
Ils marchandent le Temps en troquant du non-temps ». En les chassant, Jésus
« fait œuvre d’intériorisation du non-temps par le Temps ». D’accord.
Et le fait que ça se passe dans un Temple ne dénoterait-il pas également, et à
tout hasard, une volonté de Jésus de découpler l’argent des pratiques
religieuses ? Absolument pas, nous répond Zagdanski. Cela signifierait que
« le Christ serait venu faire par avance le boulot de Luther :
démonétiser la religion. Ce que Simone Weil, comme tout le monde, traduit en :
déjudaïser le rapport à Dieu. C’est éminemment risible ». Et c’est
antisémite, bien sûr.
« Je me charge de
sauver l’âme de mon meilleur ami », écrivait Nabe en 2000, mettant ainsi
en relief l’exercice d’une authentique et intraitable charité, contre la fausse
charité de son meilleur ami qui, paraît-il, ne manque jamais un mendiant dans
la rue par peur de louper à nouveau le Messie.
« Pour mon meilleur ami, toute personne
qui n’est pas de son avis est un antisémite, un homosexuel, ou un
Français ». Par ailleurs, et de manière tout à fait logique, on peut noter
que Zagdanski est pour la France contre la Gaule. « La France pour moi,
dis-je, c'est Paris. Le reste du pays ne m'intéresse pas » (in Pauvre
de Gaulle !). Comment pourrait-il donc prétendre un tant soit peu à
l’Idiotie ? « Surtout quand on sait quelle idée raciste mon meilleur
ami se fait du Français », poursuit Nabe. « Est français tout ce qui
n’est pas lui, alors que lui est le plus français de nous tous, dans ce qu’il
reproche au Français : lourdeur et insensibilité, arrogance, bêtise
psychologique et cécité narcissique ».
Zagdanski a parfois raison,
mais cela n’a aucun intérêt. Il ne s'agit pas pour un écrivain d'avoir raison
ou tort, encore moins d'être sincère ou non : il s'agit d'être exemplaire,
de montrer le scintillement de la lumière du Vide pulsatile et originel, le Vide
qui libéra le plein à l’origine des temps.
Voilà pourquoi je me
sentis intéressé par sa préface à la seconde édition de « De l’antisémitisme »,son titre étant « La peur du vide ».
Mais je dus vite
déchanter. Ce texte est une longue litanie dégueulasse, anti-goy tous azimuts :
contre Mel Gibson et son film sur la Passion, contre « les objurgations de
Tarik Ramadan », contre toutes les religions non-juives (« le
judaïsme seul a su ne pas s’abraser en une vulgate populaire accessible sans
effort d’interprétation et de méditation »), et surtout contre l’islam, « qui
s’est débarrassé de la paternité du judaïsme d’une manière comparable au
truquage lexical opéré sur le Nouveau Testament à l’aube du christianisme
historique ». Et, évidemment, contre les attentats palestiniens : « Les
ultimes combattants du ghetto de Varsovie qui se firent sauter à la grenade en
feignant de se rendre aux nazis étaient eux, dans une véritable impasse,
inéluctablement destinés au massacre. Leurs suicides furent des actes de
courage désespérés. L’attentat suicide palestinien relève par comparaison d’une
profonde lâcheté enflée d’un puéril espoir libidinal ». Quand un jeune
écrivain se fait exploser à la préface de son livre, lui-même plein de mauvaise
foi atrabilaire, on entre dans cette inédite dimension de la bêtise sûre d’elle-même
nommée la peur de l’Idiotie rayonnante.
En fait, on ne peut pas
vraiment dire de Zagdanski qu'il soit un écrivain ; il se situe entre le
lecteur et l’homme de lettres, ce qui est un tout petit peu mieux
qu'intellectuel. Il n'a de cesse de tenter de désigner le point précis où
brille la lumière, il tourne rationnellement autour de cette singularité comme
un phalène attiré par la beauté de Dieu, mais il lui est strictement impossible
de quitter véritablement son corps concret pour se jeter dans le vortex
ascensionnel de l'Amour total.
A sa manière, Zagdanski
est un libéral – à preuve, son anglophilie maniaque répétée dans « Pauvre
de Gaulle ! » -, et donc, un authentique nazi (voir la démonstration
plus haut).
Malgré les apparences,
Zagdzanski est un fanatique de l'écran (cette page blanche sur laquelle
copulent l'ironie et la psychanalyse). Il n'aime le corps que dans la mesure où
il est entièrement contrôlé par la raison : c'est le crime nazi par
excellence. S'il retourne sans cesse à son avantage les critiques
d'autoglorification et d'arrogance qui semblent lui être souvent adressées,
c'est parce qu'il est gorgé d'un quant-à-soi qui l'empêche – et il semble que
cela soit inguérissable – de s'abîmer dans la débilité cosmique.
Pas assez intelligent
pour comprendre que l'intelligence n'est qu'une marche d'escalier et non pas le
sommet d'icelui, il est hanté par une haine fondamentale de l'Idiotie. Son plus
grave handicap est d'être dégoûté par la transe : Zagdanski n'aime pas lâcher
prise ; d'où son rejet de la pornographie, de l'hypnose et de toute
immédiateté moléculaire, ainsi que de « la musique, la nature, la mer, la
pénétration, les nuages, les animaux, et la littérature ». A sa manière, Marc-Edouard
Nabe attaque Zagdanski pour son incapacité radicale à comprendre l’Idiotie,
c’est-à-dire être « incapable de jouir » de par son « manque
flagrant d’incarnation verbale ».
Le profond sionisme de
Zagdanski vient du fait qu’il préfère de loin « l’incarnation de la
lettre » dans la création de l’Etat d’Israël, à l’incarnation du Verbe
dans la personne du Christ. En bon révisionniste déconstructiviste, il découvre
chez Bernard Dubourg la preuve de l’inexistence historique de Jésus (« Jésus
n’a jamais eu d’existence concrète, son nom et ses dires furent élaborés
plusieurs siècles avant notre ère par de très savants sectateurs juifs – les futurs
‘chrétiens’ - en référence cabalistique au Josué de la Bible »), et il
aboie gélatineusement dans une de ses vidéos-ruisselets :
« Par la
défiguration de l’aletheia en veritas, par la construction impériale
de l’ecclesia, par une conception de
l’étant sous le seul rapport de la suprématie et de la création, ce qu’il n’est
que dans la version gréco-latine de l’Ancien Testament et jamais dans l’hébreu
original, où il n’y a pas de sens à parler d’étant, et peut-être même d’être,
le christianisme est en Occident le véhicule majeur du nihilisme et qu’il a
partie liée avec ses ultimes conséquences ».
Oui, j’ai bien entendu :
« Le christianisme est en Occident le véhicule majeur du nihilisme »…
Encore un pour qui tout est de la faute du Vatican. Zagdanski parle de
« l’immense édifice factice de la théologie catholique », et il cherche
ironiquement ce qui, dans le christianisme, « mérite d’être sauvé ».
Il faut vraiment faire
montre d’une incommensurable et intraitable charité, pour vouloir sauver une
telle andouille.
La charité, ce n’est
pas ce que les lecteurs remarquent le plus souvent chez Nabe. Et pourtant,
c’est probablement la vertu théologale qu’il pratique le plus intensément. Si la
charité de BDL consiste à vouloir limiter l’avortement des Idiots, celle de
Nabe consiste à tenter de ressusciter un imbécile – le ressusciter
temporairement et une seule fois, car « on ne meurt que deux fois ». Il
le fait dans « L’Eunuque Raide », une tragi-comédie en un acte pour
bayou crépusculaire, une cérémonie vaudou littéraire et codée où, entre golems argileux
au proscenium et copulations semi-zandées en arrière-scène, entre Toto le
courier (il arrive sur la droite) et le fossoyeur jardinier (je suppose qu’il
arrive sur la gauche), Zagdanski-le-zombie pousse des râles de majorette
égorgée pour étouffer les rafales de critiques, et surtout pour ne plus
entendre le vaillant Toto qui s’évertue à dire à ses potes que la fête est
finie. Il se déguise parfois maladivement en sa grand-mère à la manière d’Anthony
Perkins, comme pour répondre à une description entamée dans « Mon meilleur
ami » en 2000.
L’Eunuque Raide, c’est
l’homme qui a vraiment arrêté
d’écrire – et depuis longtemps – pour mixer des images. Lui, l’ironique anti-iconique,
qui finit sa carrière en DJ littéraire sans produire aucun remix original…
J’aimerais noter
rapidement la cohérence spéculaire de ce numéro 126 de l’Infini, où tous les
textes se reflètent et s’amplifient en celui de Nabe suivant d’étranges
correspondances picturales : la présence féérique de Shakespeare évoquée
par Sollers dans son texte inaugural se déploie sous les traits du fantôme
persistant de Hamlet, lequel voltige des mains de la femme de Toto jusqu’au
crâne déterré par le fossoyeur, avant d’être finalement manipulé par l’Eunuque
Raide, ce Monstre de Frankenstein ; le golem De Gaulle « lance des
messages codés pour la radio londonienne » (« Il n’y a que le Chancelier pour croire que le Messie de Meyronnis est
un bon texte ! »), qui sont qualifiés de vers surréalistes aussi
bien par Toto que par Sollers dans son entretien ; et en plaçant cette saynète
sur ce champ de bataille beyrouthin qu’est le Cimetière des Amis pour la Vie,
cette vallée de misère où tous les voisins sont minables et racistes, Nabe
prouve que la littérature n’est pas autre chose qu’une continuation de la
guerre par d’autres moyens, comme l’a presque écrit Steinbeck. Il n’est pas
jusqu’à la dernière page de l’index final de la collection L’Infini qui ne se
retrouve également éparpillée en pluie de merde sur les trente-trois pages du
texte de Nabe…
A la fin, L’Eunuque
Raide profère la dernière parole du
dernier jour. Cette fois, la fête est bel et bien finie. Le sifflet du gardien
vient de résonner par-dessus les tombes. Nabe écrivait dans son roman « Alain
Zannini » (2002) qu’il aurait pu faire l’effort, à l’époque, de l’appeler
« Judas Zigoto ». C’est chose faite !
Le Docteur Nabe convie
musicalement les imbéciles à se pendre à une branche d’arbre, car il n’y a
aucune autre solution pour eux que le suicide quand ils se font sonder les
entrailles par ce vrai docteur qui dit toute
la vérité (tout le contraire d’un arracheur de dents).
L’anti-messe est dite.
Laisser vivre les Idiots et se pendre les imbéciles. Nous bénissons la Charité
de l’Esprit Saint. Deo gratias.
Un livre à lire : Philippine : la force d'une vie fragile, de Sophie Chevillard Lutz, la maman d'une fille handicapée mentale. Elle nous raconte la réaction du personnel médical lorsque, apprenant que sa fille serait atteinte d'un grave retard mental, l'idée de ne pas la soustraire au génocide des idiots ne l'a même pas effleurée. Après son accouchement, elle avait une grande crainte qu'une infirmière "compatissante" n'abrège cette vie forcément "insupportable". Pour connaître une personne travaillant dans un service de néonatalogie, je peux confirmer que c'est effectivement ce qui se passe quasi-systématiquement. Ai-je besoin de préciser que Sophie Chevillard Lutz est chrétienne ?
RépondreSupprimerL idiot croit en dieu parce qu'il ne sait pas, l imbécile parce qu'il sait. C'est ça?
RépondreSupprimerL'Idiot connait Dieu sans le savoir. L'imbécile ignore qu'il ne connait pas Dieu.
SupprimerUn livre clef sur la Charité et sur la "charité triomphaliste" : "Amour et Vérité" de Jean Borella (ancien titre : La charité profanée). Chaudement recommandé par l'ami Luc-Olivier d'Algange.
RépondreSupprimer"ces erreurs fondamentales (anti-russisme, anti-catholicisme et méta-technicisme) se sont toutes trois transfusées, d’une manière ou d’une autre, dans la mentalité occidentale d’après 1945, et sont des « valeurs » aujourd’hui partagées par les tenants de l’idéologie occidentale du Progrès"
RépondreSupprimerIl me semble plutôt que le nazisme est une des conséquences de l'idéologie du progrès, le fait que ces valeur se soit popularisé après la seconde guerre mondiale n'implique pas que les valeur nazi se soit insinué à la majorité après sa disparition, mais bien que l'idéologie première de ce mal pré-existait tant au nazisme qu'à nos contemporains qui suivent cette idéologie toujours plus populaire.
Je vois plutôt le nazisme, le bolchévisme et le fordimses comme trois conséquences de l'idéologie du progrès, la dernière de ces idéologies cité étant celle qui domine encore notre monde même si elle a mué maintes et maintes fois bien sûr.
Bonjour,
RépondreSupprimerpourquoi appeler charité le simple plaisir d'écraser un cafard ?